Je reviens tout juste de vacances et celles-ci mâont fait un bien FOU. Croyez moi le combo nouveau travail aprĂšs un congĂ©s maternitĂ© + 11 mois sans vacances = il Ă©tait grand temps que cette coupure arrive. Nous sommes partis 10 jours au bord de lâOcĂ©an Atlantique et jâai la sensation dâavoir repris un nouveau souffle et dâĂȘtre plus lĂ©gĂšre. Mais ce nâest pas pour vous parler beurre salĂ© et caramel que je suis venue Ă©crire aujourdâhui. Pour ĂȘtre honnĂȘte, cela fait des jours que je rumine cet article dans ma tĂȘte jour et nuit car je crois que je suis en colĂšre, et peut-ĂȘtre un peu fataliste aussi (je viens pourtant dâĂ©crire que je me sentais plus lĂ©gĂšre, hm hm). Peut-ĂȘtre aussi que ces vacances et ce recul sur mon quotidien ont justement laissĂ© de la place Ă ces rĂ©flexions. Oui, je crois que câest ça.
Depuis quelques semaines, je lis des Ă©crits absolument merveilleux sur Substack. Ce fut long mais ça yâest, lâapplication sait maintenant quel contenu me suggĂ©rer et elle le fait bien. Je suis souvent tellement touchĂ©e, Ă©mue et animĂ©e par ce que je lis ici que je suis aussi souvent Ă©nervĂ©e contre moi-mĂȘme de ne pas rĂ©ussir Ă commenter ou partager le dit Ă©crit de la façon dont je le souhaiterai. Donc jâuse de points dâexclamation et de âlisez cette lettre câest fantastique !!!!!â parce que vraiment ces Femmes que je lis sont tellement douĂ©es !
Bref, voilĂ que depuis quelques jours jâai cette mĂȘme pensĂ©e en tĂȘte : Jâen ai marre dâĂȘtre diffĂ©rente et en mĂȘme temps, je ne veux / peux pas rentrer dans le moule.
Je ne sais pas faire les choses Ă moitiĂ© et ce, depuis toute petite. Je suis intense, trop Ă©motive, trop sensible, trop empathique, trop curieuse, je suis trop tout. Quand jâai fait le lien entre mon steak hachĂ© et lâanimal trop mignon, je suis devenue vĂ©gĂ©tarienne. Quand jâai compris que notre alimentation Ă©tait notre premiĂšre mĂ©decine, je suis devenue naturopathe. Quand jâai lu que la dopamine pouvait nous rendre dĂ©pressif, jâai arrĂȘtĂ© les rĂ©seaux sociaux. Quand jâai su que des personnes malintentionnĂ©es utilisaient les photos dâenfants publiĂ©es sur les rĂ©seaux, jâai dĂ©cidĂ© quâaucune photo de ma fille ne serait publiĂ©es ni envoyĂ©es, Ă personne.
Câest ainsi que je me retrouve depuis presque 15 ans Ă me justifier constamment. Non, je nâai pas de micro-onde. Oui câest pratique, non je nâen veux pas. Je fais rĂ©chauffer les repas de fille au bain marie. Oui câest plus long. Non ça me dĂ©range pas. Non on ne mange pas de viande. Pas de poisson non plus. Elle non plus. Oui elle ne lâa pas choisie. Oui elle fera ce quâelle veut plus tard. Non elle nâest pas carencĂ©e. Oui on sait ce que lâon fait. Oui on cuisine tout maison. Oui on adore ça. Non on est pas riches. Oui on a le temps. Non je nâai pas Facebook ni Tik Tok, Snapchat et Instagram non plus. Oui je ne suis pas trop au courant des tendances. Non ça ne me dĂ©range pas. Oui faut vivre avec son temps. Non on ne publie pas de photos de famille sur les rĂ©seaux. Oui un compte en privĂ© câest plus sĂ©curisĂ©. Non pas sur WhatsApp non plus. Oui jâaime en envoyer par la poste. Oui comme avant. Oui câest plus cher et plus long. Non je ne suis pas un dinosaure.
Je rĂ©pĂšte souvent Ă mon conjoint que de me sentir si diffĂ©rente me fait parfois de la peine. Et câest vrai que ce qui me fait du bien, câest de me sentir moins seule Ă ĂȘtre diffĂ©rente. De sentir quâon est plusieurs Ă vivre ainsi ou presque et quâon est pas si diffĂ©rents, finalement. Je ne parle pas du fait de ne pas avoir de micro-onde ou de ne pas manger de viande. Câest anecdotique. Plus globalement, je parle du fait de vouloir mener une vie plus sobre, plus simple, plus lente. Et, jâose le dire : plus saine. Pas saine au sens santĂ©, rĂ©gime, faire attention et tout ça. Saine comme quelquâun qui ne veut pas faire comme tout le monde juste parce quâaprĂšs tout, faut vivre avec son temps.
Moi, je ne sais pas faire comme tout le monde. Je nây arrive pas. Je questionne tout, tout le temps. Et notre monde me fait peur, la tournure quâil prend me fait peur. Depuis quelques temps maintenant. Trop longtemps maintenant.
Vous me direz donc que câest drĂŽlement bizarre dâavoir eu un bĂ©bĂ© alors que notre monde me fait flipper. Vous aurez raison. Câest justement pour ça que jusquâĂ il y a 4-5 ans je disais fiĂšrement : âMoi, je ne veux pas dâenfants !â. Et un jour une proche amie est devenue maman, mâa demandĂ© pour quand jâenvisageais le projet. Et en discutant avec elle, elle mâa dit : âEmilie, si tu veux que le monde aille mieux, alors il faut davantage dâhumains sensibles et intelligents sur cette Terre. Donc il faut que les gens sensibles et intelligents fassent des enfants pour faire de ce monde, un monde meilleur.â Bon, câĂ©tait dit Ă peu prĂšs comme ça mais en tout cas, lâidĂ©e mâa plu.
Alors je nâai pas la prĂ©tention dâĂȘtre suffisamment sensible et intelligente pour que mon enfant sauve le monde (quoi que) mais en tout cas, jâai envie de lui transmettre tellement dâamour et de bienveillance quâelle aura (jâespĂšre) envie elle aussi de rendre le monde plus doux, pour elle et ceux quâelle aime et mener une belle vie dans un monde pas trop mal.
Malheureusement, dans mon heureux quotidien quâest celui de se justifier tout le temps, le monde de la parentalitĂ© nây Ă©chappe pas. Câest ainsi que je me retrouve face Ă des situations qui me semblent souvent aberrantes. Notre monde aujourdâhui nĂ©cessite donc que le parent qui ne veut PAS que son enfant apparaisse sur les rĂ©seaux sociaux (de la crĂšche, de la RAM etc) signe un papier. Pour moi, câest lâinverse qui devrait ĂȘtre fait car lĂ encore, je sens notre choix diffĂ©rent, pour ne pas dire marginal. Ah bon ? MĂȘme pas une petite photo ? MĂȘme si je colle un emoji lapin sur son visage ? MĂȘme si la photo est trop mignonne ? Rhooo *soupir et yeux au ciel*
Au yeux de la nounou de ma fille (que jâaime beaucoup quand mĂȘme, je le prĂ©cise) je suis âLa maman naturelleâ. Je glousse mais je trouve ça un peu fou que de refuser que mon enfant de 14 mois ait du sirop de fraise dans son eau (alors quâelle adore boire de lâeau, juste de lâeau) fasse de moi une maman naturelle et non juste une maman. Ce qui est encore plus rigolo (je nâen rigole pas toujours) câest que mon conjoint est encore plus intransigeant que moi (notamment sur le sucre et les Ă©crans chez notre enfant, câest-Ă -dire ZERO) mais câest forcĂ©ment moi qui serait, aux yeux des autres, celle qui fait ces choix. Car, câest bien connu, les pĂšres boivent des biĂšres sur le canapâ pendant que les mamans font des gĂąteaux aux enfants. Bon, dâaccord, câest peut-ĂȘtre le schĂ©ma encore trop prĂ©sent dans nombreux foyers mais lĂ encore, je trouve dommage que lâon (la sociĂ©tĂ©) nourrisse encore ce concept.
Avec lâintelligence artificielle et les Ă©crans, câest la mĂȘme chose. Je ne veux pas mettre ma fille devant un dessin animĂ©, non mĂȘme pas 10 minutes. Non mĂȘme dans la voiture quand elle pleure car elle en a marre. Non mĂȘme pas juste pour souffler. Je lui propose des jeux, des livres, des chansons⊠Donc, de fait, je suis une maman Montessori. Au cours des premiers mois de mon postpartum, jâai beaucoup rĂ©pĂ©tĂ© Ă mon conjoint que je me sentirai moins jugĂ©e si je donnerai du coca Ă mon bĂ©bĂ© devant un dessin animĂ©. Et je suis dĂ©solĂ©e pour les parents qui font ça (vous faites ce que vous voulez, chacun ses choix, chacun ses enfants, yâa aucun soucis) mais disons que jâai souvent eu la sensation que les choix qui questionnent sont des choix qui dĂ©rangent.
Je nâutilise pas lâIA, je ne veux pas et jâai suffisamment perdue en concentration et mĂ©moire par la simple utilisation du smartphone que je prĂ©fĂšre me tenir Ă©loignĂ©e dâun robot qui pense Ă ma place. LĂ encore, jâai la sensation que ce choix est moquĂ©. Câest pratique, câest gratuit, câest tellement plus simple et ça change la vie. Oui, peut-ĂȘtre mais je prĂ©fĂšre discuter, vraiment. DĂ©battre, exprimer, ĂȘtre en colĂšre, pleurer, aimer. Je prĂ©fĂšre ĂȘtre que de paraĂźtre. Et en Ă©crivant cela, je comprends que ma rĂ©flexion puisse sembler ridicule. Câest pas parce que tu utilises lâIA que tu nâes pas naturel. Et bien, moi jâai peur que si. Jâai peur de ne plus rĂ©ussir Ă penser par moi-mĂȘme. Peut-ĂȘtre pas demain mais dans 10 ans, quand, Ă force de demander conseil Ă l'IA pour une recette ou la rĂ©daction dâun e-mail, je ne sache tout simplement plus rĂ©flĂ©chir.
Jâai un dumbphone qui traine dans un placard. Il fonctionne super bien et je nâai quâĂ mettre ma carte sim dedans pour mener une vie encore plus diffĂ©rente, encore plus dĂ©connectĂ©e. Mais je vais vous avouer quelque chose, jâai peur.
Jâai peur de ce choix que jâai dĂ©jĂ fait par le passĂ© qui mâa valut encore une fois, de me justifier.
Pourtant câest le choix qui aujourdâhui me semble ĂȘtre le mieux pour la santĂ© mentale de chacun : se libĂ©rer de lâhyperconnectĂ©, des informations en continu Ă portĂ©e de main. Des shots de dopamine, des notifications et du scroll infini.
Je suis profondĂ©ment et sincĂšrement convaincue que seule une dĂ©connexion nous aiderait vraiment Ă nous reconnecter entre nous, vraiment. Car ĂȘtre dĂ©connectĂ©s ne devrait pas rimer avec sâisoler. Rappelez-vous les heures passĂ©es au tĂ©lĂ©phone avec vos amis dans les annĂ©es 90-2000 parce que vous aviez une vraie discussion avec eux, quâil nây avait aucune autre stimulation Ă cĂŽtĂ©. Aujourdâhui, jâai mĂȘme appris que les jeunes ont peur de rĂ©pondre au tĂ©lĂ©phone. Nous avons entre les mains un objet de connexion mais qui nous a totalement dĂ©connectĂ©s du rĂ©el. Et ce nâest que le dĂ©butâŠ
Alors, quâest ce que lâon fait ? On sĂšme des graines. On fait des petits actes qui sont bizarres pour certains, qui font rire ou qui font lever les yeux au ciel. Et surtout, on se dit quâon est finalement bien plus nombreux Ă souhaiter une vie plus lente et plus sobre, mais que ce qui nous en empĂȘche câest souvent la peur. La peur de manquer, de sortir de sa zone de confort, dâĂȘtre diffĂ©rent. Alors on y va, petit pas par petit pas. Et on croise les doigts.
Lisez ces lettres, elles sont fantastiques (!!!!)
On nous a menti, La tribune dâAriane.
Ce que j'ai appris en observant les familles cet été, Quoi de Mum ?
Nous ne sommes plus intĂ©ressant.e.s, La tribune dâAriane.
Ce qui sâest passĂ© Ă lâAssemblĂ©e Nationale, Sur le fil.
Une note de Marie Georgette sur le Postpartum
TrĂšs beau ton post, et plein de sincĂ©ritĂ©. Je ne suis pas maman mais je me retrouve beaucoup dans ce que tu racontes, notamment cette obligation de devoir se justifier pcq on fait diffĂ©remmentâŠ. Une vie plus simple, sans trop dâengagements, un travail Ă mi-temps et une activitĂ© complĂ©mentaire qui fait sens sur internet mais pas tellement dans le « vrai » monde autour de moi (Ă part mes trĂšs proches), ne pas vouloir faire de cette activitĂ© un big business, juste qqch qui me permet de vivre simplement, ne pas vouloir dâenfants, vouloir moins voyager et le faire diffĂ©remment (retourner aux mĂȘmes endroits, ne pas prendre lâavion si possible, voyager slow - une façon de faire Ă laquelle les gens acquiescent mais je vois bien la perplexitĂ© au retour lorsque je dis que je me suis juste baladĂ©e et dĂ©couvert des librairiesâŠ), ne pas vouloir utiliser lâIA, ne pas vouloir de femme de mĂ©nage,âŠ
Cela rend parfois les interactions sociales trĂšs fatigantes et assez pauvres car contrairement Ă ce quâon peut penser, la diffĂ©rence (de la façon de faire « convenue ») gĂ©nĂšre rarement de discussion, plutĂŽt des questions jugeantes qui invitent Ă la justification comme tu le dis.
Ce weekend jâai lu un post en anglais trĂšs intĂ©ressant qui raconte le retour dâexpĂ©rience dâune fille qui a vĂ©cu un an sans smartphone et qui ne souhaite pas y retourner. Elle donne plein de conseils et propose des alternatives. Je suis assez tentĂ©e depuis un momentâŠ
https://open.substack.com/pub/ktklp/p/my-first-year-without-an-iphone?r=3hwe70&utm_medium=ios
Jâai beaucoup aimĂ© le post dâAriane que tu cites aussi.
Je vote pour la diffĂ©rence đȘđđ»
Je me suis beaucoup retrouvée dans ce texte. J'aime creuser, comprendre, gratter pour trouver une joie singuliÚre en toute chose.
Ici pas d'insta ni Tiktok ni Snapchat, proche de ma fille, quasi vg et je cuisine souvent vegan, je frÎle la marginalité sous certains points.
Mais j'avais sous estimĂ© le point "micro ondes" je n'en ai jamais eu et Ă chaque fois j'ai des "quoi mais comment tu fais pour faire chauffer de l'eau ??" La stupeur s'empare de mes interlocutrices, les yeux Ă©carquillĂ©s et la bouche grande ouverte. Rendez vous compte, je n'ai pas de micro ondes !! Ăa me fera toujours rire. Je suis celle qui n'a pas de micro ondes.